Réflexion sur la question sujet de l’épreuve du droit pénal – examen du barreau 31 mars 2019
La question composée ayant fait sujet de l’examen administré aux candidats au barreau le dimanche 31 Mars 2019, a entrainé un débat controversé, qui, à mon sens, n’est que le fruit de l’ambigüité de certaines dispositions du code pénal marocain.
Il s’agit d’une personne condamnée, pour crime de vol caractérisé, à 4 ans d’emprisonnement ferme, en vertu d’un jugement rendu par défaut à son encontre, après avoir bénéficié des circonstances d’atténuation sur la base de l’article 510 du code pénal.
Ce condamné, dont le jugement est déjà doté de la force de la chose jugée depuis 6 ans, se trouve arrêté, pour exécuter sa peine, mais il soulève prescription.
La question s’articule autour de la légitimité de ce moyen de défense qu’est la prescription, et de sa durée.
Tout d’abord, le code pénal marocain, dans ses articles 16 et suivants, fixe les catégories des peines ; peines criminelles, peines délictuelles et peines contraventionnelles.
Dans son article 111, il distingue entre les catégories des infractions, à savoir ; les crimes, les délits (correctionnels et de police) et les contraventions.
Bien évidemment et par jeu de logique terminologique, les peines criminelles concernent les crimes, celles délictuelles concernent les délits, et les peines contraventionnelles se réfèrent aux contraventions.
Cependant, à travers l’article 149 du même code, le juge pénal, peut user de son pouvoir d’appréciation et appliquer par exemple pour un crime, une peine moins sévère que la peine criminelle minimale applicable à ce crime, c’est ce qui est appelé «l’application des circonstances d’atténuation », et cela sans que la qualification de l’infraction ne soit modifiée, l’article 112 du code pénal à l’appui.
Relativement à la question de l’examen du barreau (la prescription), Le code de procédure pénale marocain traite de la prescription des peines dans ses articles 649 et suivants, en distinguant entre les trois catégories de peines (criminelles, délictuelles et contraventionnelles) ; Les peines criminelles se prescrivent par quinze ans, les peines délictuelles se prescrivent par 4 ans, et les peines contraventionnelles par 1 an.
La problématique du cas de l’examen, réside dans le fait que le crime commis par le condamné (vol caractérisé), dont la peine est normalement criminelle, qui se prescrit par 15 ans, a fait l’objet d’un jugement atténué, fixant la peine à 4 ans d’emprisonnement (une peine délictuelle de par sa durée).
La prescription soulevée par le condamné, voulant faire valoir les dispositions de l’article 650 du code de la procédure pénale, provoque une véritable réflexion ; aurait-il droit à bénéficier des dispositions de cet article qui fixe la prescription des peines délictuelles à 4 ans, ou bien les dispositions de l’article 112 lui enlèvent ce privilège ?
Il est à noter que l’article 112 du code pénal consacre le caractère inchangeable de la catégorie de l’infraction quand le commettant bénéficie des circonstances atténuantes ; autrement dit, un crime reste qualifié de crime, même si son auteur est condamné, suite à l’application des circonstances d’atténuation, à une peine afférente à un délit par exemple.
Certains juristes semblent avoir déjà tranché cette question, en faisant valoir textuellement les dispositions des articles 649 et suivants du code de la procédure pénale.
Sur la base de ces articles, le condamné du cas de l’examen, se trouvera dans son droit de soulever la prescription, et cela, par le fait que la peine criminelle atténuée et ramenée à 4 ans d’emprisonnement, soit considérée comme une peine délictuelle puisqu’elle est inférieure à 5 ans (art 17 CP), et par conséquent ladite peine se prescrit par 4 ans selon l’article 650 du CPC.
Toutefois, cette hypothèse, altère l’esprit de l’article 112 du CP, car à travers cet article, le législateur vise à maintenir la qualification de l’infraction, malgré l’atténuation de la peine, le cas échéant.
Toujours, dans cet état d’esprit, la prescription, devrait être, à mon sens, attachée à la nature de l’infraction, et non à « la peine ». Il est nécessaire de distinguer entre «la peine » proprement dite et « la peine atténuée » ; A titre d’exemple, une peine délictuelle de 4 ans d’emprisonnement ferme pour le commettant d’un délit, ne doit pas être assimilée à une peine criminelle atténuée, ramenée à 4 ans d’emprisonnement ferme pour le commettant d’un crime, même si les deux peines sont similaires du côté du nombre d’années de répression.
Dans le code de procédure pénale, au niveau de l’article 649 et suivants, en regardant la distinction faite par le législateur entre les trois catégories de peines, pour fixer la durée de prescription, il est claire, que le critère de cette distinction est loin d’être le nombre d’année de réclusion ou d’emprisonnement, c’est bien plus que cela ; dans cet article, le législateur entend par « les peines criminelles » les peines relatives aux crimes, et ne se limite pas à la stricte définition des articles 16 et suivants du code pénal.
Un autre argument qui s’impose dans ce sens ; l’esprit de la loi qui entoure la notion de prescription, est, logiquement, celui disant que, plus l’infraction est grave, plus il est difficile de l’oublier par la société et par la victime.
La durée de prescription doit correspondre alors au nombre d’années suffisant et nécessaire pour que la victime de l’infraction, puisse en oublier les effets, tel est l’esprit du législateur.
L’atténuation de la peine, fait profiter exclusivement l’auteur de l’infraction, et ne pourra, en aucun cas, agir sur la mémoire de la victime, (ni sur celles des individus composant la société), pour lui faire oublier les effets de ladite infraction, c’est plutôt l’effet inverse qui pourra se produire, d’où la nécessité de corréler la prescription à la nature de l’infraction, en faisant abstraction de la peine elle-même.
Enfin, il faut admettre que la controverse qui existe entre les deux positions (celle attachant la prescription au nombre d’année de la peine jugée, et celle l’attachant à la catégorie de l’infraction), continue à s’alimenter d’avantage, du manque de précision du texte, et surtout par son incapacité de traduire l’esprit du législateur.